Hors et En

mercredi 8 juin 2011

Je suis triste

Filed under: Education,perso — mazzhe @ 11\1116

Hier, j’effectuais un remplacement dans une classe agitée.
Pour essayer d’aider les élèves à avoir confiance en eux, autrement qu’en montrant les bêtises dont ils sont capables, je leur ai proposé le « jeu des compliments » : les élèves écrivent un compliment à un camarade, et postent leur petit papier dans une boîte prévue à cet effet. Je distribue les courriers en début d’après-midi, par exemple.
Ils ont adoré ce jeu. Ils ont utilisé en une matinée les 180 petits papiers que j’avais préparés. Ils étaient contents d’écrire des gentillesses à quelqu’un, et d’en recevoir. Malgré ma crainte, j’ai constaté que tous les élèves avaient reçu des compliments, y compris l’élève qui est, hélas, bouc-émissaire.

Je suis content d’avoir pu proposer cette activité. Je suis content du résultat obtenu. Je suis fier de moi, et plein d’espoir pour ces élèves qui ont des capacités, même si ils ne les mettent pas toujours en œuvre comme il le faudrait.

Mais alors, pourquoi ai-je intitulé cet article « je suis triste » ?
Je suis triste, car j’ai reçu, moi-aussi, des compliments, et parmi eux, celui-ci : « Je pense que tu es un bon maître. »

Je te remercie beaucoup, ô toi qui m’as écrit ce mot. Mais vois-tu, je ne serai plus enseignant. L’année prochaine, j’effectue une année de tuilage, pendant laquelle je serai encore professeur des écoles, mais à mi-temps. L’année d’après, je me consacrerai complètement à ma nouvelle activité informatique.
Je tourne la page. Je clos ma carrière dans l’enseignement. Il y a très peu de chances pour que j’y revienne.

Ce petit mot m’attriste, car je pense que, toute modestie gardée, je suis effectivement un enseignant pas trop mauvais. J’ai une bonne capacité d’analyse et des idées pour résoudre les difficultés. J’ai beaucoup de compassion pour les élèves, même ceux qui me cassent les pieds, et j’ai toujours envie de les faire apprendre, réussir. Je connais mes difficultés, et je pense que je pourrais y remédier avec l’expérience… J’aime enseigner. J’aime la relation avec les enfants. J’aime apprendre et essayer des nouvelles choses…

J’aime ce métier, mais je ne peux pas le faire, et c’est pour cela que je change de voie. Je suis trop sensible à certains facteurs extérieurs… La dimension humaine est absente de cette grande maison d’un million d’êtres humains salariés et de douze millions d’humains utilisateurs. Les compétences de chacun sont ignorées, niées. Les sentiments sont interdits. L’évolution est impossible. La reconnaissance est nulle, voire négative.
La culture du chiffre, du résultat, nouvelle religion d’état, n’est pas compatible avec l’enseignement. En tout cas, pas telle qu’elle est vécue actuellement. La pression de nos supérieurs pour obtenir des meilleurs résultats est contre-productive. La pression de l’état sur les inspecteurs pour « optimiser » (comprendre diminuer) le nombre d’enseignants est destructrice. L’ambiance de défiance, de lutte de pouvoir entre les différents niveaux de l’échelle est délétère.

Je me sens bien dans mon métier, mais je me sens mal dans mon entreprise. Je suis en désaccord avec la direction qu’elle prend. Beaucoup de mes collègues partagent mon avis, mais arrivent à trouver suffisament de plaisir dans leur métier pour passer outre les difficultés extérieures à la classe. Ce n’est pas mon cas. Je n’y arrive pas. J’ai besoin d’être bien dans mon environnement, de savoir où je vais, pour réussir dans ma mission.

Je suis donc triste. Triste de ce gachis, pour moi et pour les élèves.
Je suis peut-être un bon maître, mais je ne peux pas le rester.

edit : il FAUT aller lire l’actu en patates d’aujourd’hui !

edit du 29/08/11 : un article très intéressant pour compléter votre lecture est en lien sur mon article d’aujourd’hui.

4 commentaires »

  1. Bonjour
    Je suis moi-même enseignante et je vous écris pour vous dire que je vous comprends.
    J’adore ce métier et pourtant j’ai commencé dans des situations pas simples (bazardée sur le terrain en ZEP dans un autre département, loin de tout et de tous ceux que je connaissais, sans repères et sans idées pour gérer une classe de gamins qui n’aimaient pas l’école mais aimaient bien me pourrir)
    Depuis j’ai eu la chance d’avoir une formation, peut-être critiquable mais nécessaire selon moi.
    Et, de poste en poste, j’en suis arrivée à aimer ce que je faisais, vraiment.
    Et puis en écoutant les actualités et les gens à l’extérieur, on je me rends compte qu’on est bien peu de choses et qu’on est peu compris. Je suis comme vous j’ai besoin d’être bien dans mon environnement et de savoir où je vais. Je commence donc à préparer ma sortie, à voir ce que je pourrais faire de ma vie si un jour je prenais la même décision que vous, celle de ne plus enseigner.

    Bon courage pour la suite, cette décision n’a pas dû être facile à prendre.

    Commentaire par sandrine — vendredi 10 juin 2011 @ 6\0649 | Réponse

  2. […] vous êtes promis de ne pas déprimer avant le premier septembre, cliquez plutôt ici… Et si comme moi, vous vous posez des questions sur la suite de votre carrière dans l’EN, allez plutôt par […]

    Ping par C’est la rentrée… « Hors et En — lundi 29 août 2011 @ 11\1121 | Réponse

  3. […] ici un article intéressant d’une collègue que je comprends tout à fait. Comme elle, j’ai choisi de me tourner vers d’autres […]

    Ping par brèves de rentrée « Hors et En — samedi 10 septembre 2011 @ 21\0941 | Réponse

  4. […] La décision que j’ai prise l’année dernière était bonne. A partir de l’année prochaine, je ne travaillerai plus. Je serai impliqué… Et je pourrais profiter pleinement cette phrase de Confucius  : “选择你所爱的工作,你将永远不会有一天在你的生活。” Allez, en attendant, j’ai encore du travail, je vous laisse… […]

    Ping par Travail / Emploi « Hors et En — dimanche 13 Mai 2012 @ 12\1226 | Réponse


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